Colloque international "Smart Noz" du 18 au 20 mars 2024, Université de Brest, France
Colloque International Smart Noz 18 au 20 mars 2024, Université de Brest, France
La perception du temps nocturne comme un temps consacré uniquement au repos est de moins en moins vraie. L’élargissement des activités nocturnes en ville comme dans le contexte rural, montre que la nuit est aussi un temps de loisir, de détente et/ou de (télé)travail (Gwiadinzski, 2015 ; AAVV., 2021 ; Guérin, Hernández-González, Montandon, 2018). Dans le contexte français, si on ne peut pas parler de villes “non-stop” fonctionnant 24h/24h on retrouve ponctuellement des espaces urbains où les activités nocturnes sont concentrées comme par exemple : certains quartiers avec une importante offre de loisirs nocturnes (bars, discothèques), des hôpitaux ou commissariats ouverts toute la nuit. Le bon déroulement des activités anthropiques nocturnes (loisirs, travail, repos, sécurité) implique l’utilisation de la lumière artificielle, en sachant que celle-ci a un impact sur la santé des individus mais aussi sur celle des milieux naturels (Zielinska-Dabkowska et al., 2023 ; Sordello, 2017 et 2018 ; Challéat et Lapostolle, 2014).
A ce titre, des initiatives tendent vers un traitement plus respectueux et économe de la lumière artificielle, avec l’adoption d’outils de protection (comme le label Réserve Internationale de Ciel Étoilé), et/ou de gestion et de suivi (mise en place de Schémas Directeurs d’Aménagement Lumière et création Trames Noires). Les initiatives sur l’éclairage urbain, par la diminution de l’intensité lumineuse, voire l’arrêt complet de l’éclairage urbain à certaines heures, en sont des exemples les plus courants1. Depuis 2019, le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), préconise d’intégrer à tous les documents d’urbanisme la lutte contre la pollution lumineuse, en y intégrant la notion de Trame Noire.
Au sujet de cette lutte contre la pollution lumineuse, l’extinction et/ou diminution de l’éclairage urbain est la principale mesure et/ou l’adoption d’une trame noire. Divers travaux ont évalué l’acceptabilité sociale de telles mesures (Beaudet, Tardieu et David, 2022 ; Franchomme et al., 2019). Toutefois, cette notion d’acceptabilité sociale renvoie à une évaluation sur le degré de satisfaction des « populations » (usager·es, habitant·es) d’un projet ou d’une politique. Ce dernier tient donc le rôle de garant du succès de celle-ci (Barbier et Nadaï, 2015). Tandis que la notion de « réception sociale » peut être « qualifiée par une forme de neutralité, dissociée de la nécessaire adhésion des récepteurs d’un projet. Elle permet d’analyser à la fois l’intérêt porté aux principes et aux objectifs recherchées par un projet et la remise en question de ses objectifs affichés...» (Amalric et Becu, 2021, p.65). Cette notion permet aussi de modifier le rôle du·de la chercheur·se en tant que détenteur·ice d’un savoir « expert » vis-à-vis des savoirs et expertises d’usage dits « profanes » au sein de la mise en place d’une démarche participative.
Du côté des citoyen·nes, il existe la volonté d’explorer des moyens d’améliorer la réception sociale autour d’un usage plus raisonné de la lumière artificielle la nuit. Dans ce contexte, les organisations citoyennes concernées par des projets de réduction des éclairages nocturnes (militant·es de la sobriété et de la biodiversité, défenseur·ses de la réserve culturelle et scientifique que représente le ciel nocturne), cherchent à sensibiliser un plus large public à leur cause. Une des actions de sensibilisation les plus visibles est le Jour de la nuit, événement national organisé par Agir pour l’environnement, association de mobilisation citoyenne, dont plusieurs associations sont partenaires2.
Cependant, en dehors de ces groupes de population déjà sensibles à la thématique, la perception de la diminution de la lumière artificielle reste liée au sentiment de sécurité car elle a un effet immédiat dans le quotidien et les pratiques. Ces mesures de diminution de l’éclairage nocturne peuvent être considérées comme «injustes» car elles mettraient en danger certains groupes de la population mais elles sont aussi perçues comme des mesures uniquement destinées à faire des économies de la part des instances gouvernementales et pas forcément reliées, ou très peu, aux enjeux écologiques ou aux modes de vie3.
Au sein de cette démarche, une approche sociétale territorialisée est indispensable, afin de mieux comprendre le rapport, la perception et les représentations vis-à-vis de la lumière artificielle qu’entretiennent les différents types d’usager·es/habitant·es (travailleur·euses, noctambules ...) et les différents groupes socio-économiques (femmes, personnes âgées, LGTBQI+, minorités ethniques). Des approches et des démarches transdisciplinaires qui sortent d’une conception linéaire (purement scientifique ou purement technique) permettront de mieux comprendre les retombées ainsi que les freins à de telles initiatives.
Dans quelle mesure peut-on alors concilier des espaces accessibles la nuit pour tous et toutes en réduisant l’impact environnemental ? Comment peut-on mieux appréhender le paradoxe entre un souci d’économie en termes d’énergie, l’envie d’agir pour la protection de l’environnement et le besoin d’être en sécurité la nuit grâce à la lumière artificielle ?
Ce colloque international sera l'occasion de clôturer le projet de recherche-action Smart Noz financé par la Région Bretagne (2022-2024). Il se concentrera sur les expériences de réceptabilité sociale autour d’une sobriété lumineuse et de son évaluation dans le temps long par certains groupes de la population. Il s’intéressera également au rôle des associations, des artistes et des chercheur·ses au sein de démarches participatives autour d’un usage plus raisonné de la lumière artificielle la nuit. La présentation de l'usage de méthodologies expérimentales explorant l’apport des sciences participatives au sein d’une démarche de sobriété lumineuse (approches biodiversité, numérique, sociale…) sera également la bienvenue.
3 La note scientifique N°37 de l’Assemblée Nationale, reconfirme que les effets négatifs de la lumière artificielle est un phénomène massif et qui impacte à toutes les échelles et sur tous les écosystèmes. URL: https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/delegations-comites-offices/opecst/publications/notes_scient ifiques_opecst/la-pollution-lumineuse-note-scientifique-n-37-janvier-2023
Le colloque couvre un large éventail de thèmes, y compris les thèmes suivants. Lors de la soumission de votre résumé (3 000 caractères, espaces inclus), veuillez mentionner le(s) thème(s) pertinent(s) pour votre contribution :
Sobriété lumineuse et sciences participatives.
Évaluation et réceptibilité sociale des mesures cherchant à diminuer l’impact négatif de la lumière
artificielle la nuit.
Méthodologies et expériences hybrides (associations, habitant-es et/ou démarches artistiques)
Des programmes de recherche/expériences avec une approche comparatiste avec des autres pays ou d’études de cas dans les Amériques ou en dehors du contexte français.
Autres thématiques ayant un lien avec les sujets abordés au sein du colloque
Amalric, M. et Becu, N. (2021). La réception sociale de la gestion du risque littoral : un éclairage au prisme de la simulation participative. Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, XXVII, 63-89. URL : https://doi.org/10.3917/rips1.069.0063
Barbier, R., et Nadaï, A. (2015). Acceptabilité sociale : Partager l’embarras. VertigO la revue électronique en sciences de l’environnement, 15(3). URL : https://doi.org/10.4000/vertigo.16713
Challéat, S., et Lapostolle, D. (2014). (Ré) concilier éclairage urbain et environnement nocturne: les enjeux d’une controverse sociotechnique. Natures Sciences Sociétés, 22(4), 317-328.
Franchomme, M., Hinnewinkel, Ch., et Challéat, S., (2019), La trame noire, un indicateur de la place de la nature dans l’aménagement du territoire, Bulletin de l’association de géographes français, 96-2, 2019, URL : http://journals.openedition.org/bagf/4764.
Guérin, F., Hernández González, E., et Montandon A., (dir.) (2018) Cohabiter les nuits urbaines. Des significations de l’ombre aux régulations de l’investissement ordinaire des nuits, Paris, L’Harmattan.
Gwiazdzinski, L., (2015) The urban night: A space time for innovation and sustainable development. Journal of Urban Research, N° 11, p. 1-15
Sordello, R. (2017). Pollution lumineuse et trame verte et bleue : vers une trame noire en France?. Territoire en mouvement, Revue de géographie et aménagement. Territory in movement Journal of geography and planning, (35)
Sordello, R., Jupille, O., Deutsch, É., Vauclair, S., Salmon-Legagneur, L. et Faure, J. (2018). Trame noire : un sujet qui « monte » dans les territoires. Sciences Eaux et Territoires, 25, 78-85. https://doi.org/10.3917/set.025.0078